Les rencontres littéraires

La littérature est une merveilleuse invitation au voyage, une douce escapade hors du quotidien, au fil des mots et des pages. Lire, c’est aussi une ouverture à l’analyse humaine et sociétale, une invitation à la réflexion dont on sort tantôt émerveillé, tantôt interloqué, souvent grandi. Dans le cadre de notre atelier « Rencontres littéraires », chacune des rencontres est consacrée à un livre, lu par tous les participants au préalable. L’occasion alors d’échanger en toute convivialité, de livrer ses impressions et ses réflexions sur l’expérience littéraire du mois.

Sept jeudis par an, d’octobre à juin.

Intéressé(e)? N’hésitez pas à nous contacter pour vous inscrire ! 

Animatrice: Dominique Quetin

Liste des livres et rendez-vous:

  • Jeudi 6 Octobre

Le Belge Antoine Wauters

  • « Mahmoud et la montée des eaux »

Syrie. Un vieil homme rame à bord d’une barque, seul au milieu d’une immense étendue d’eau. En dessous de lui, sa maison d’enfance, engloutie par le lac el-Assad, né de la construction du barrage de Tabqa, en 1973. Fermant les yeux sur la guerre qui gronde, muni d’un masque et d’un tuba, il plonge – et c’est sa vie entière qu’il revoit, ses enfants au temps où ils n’étaient pas encore partis se battre, Sarah, sa femme folle amoureuse de poésie, la prison, son premier amour, sa soif de liberté.

La forme de ce roman déstabilise mais on est rapidement conquis par la beauté et la poésie de la plume de l’auteur : c’est un long poème en vers libres qui décrit le chaos syrien.

  • « Nos mères »

Dans un pays du Proche-Orient, un enfant et sa mère occupent une maison jaune juchée sur une colline. La guerre vient d’emporter le père. Mère et fils voudraient se blottir l’un contre l’autre, s’aimer et se le dire, mais tandis que l’une arpente la terrasse en ressassant ses souvenirs, l’autre, dans le grenier où elle a cru opportun de le cacher, se plonge dans des rêveries, des jeux et des divagations que lui permet seule la complicité amicale des mots.

Soudain la guerre reprend. Commence alors pour Jean une nouvelle vie, dans un pays d’Europe où une autre mère l’attend, Sophie, convaincue de trouver en lui l’être de lumière qu’elle pourra choyer et qui l’aidera, pense-t-elle, à vaincre en retour ses propres fantômes.

Ce texte, cruel et tendre à la fois, est avant tout le formidable cri d’un enfant qui, à l’étouffement et au renoncement qui le menacent, oppose une affirmation farouche et secrète de la vie. C’est ce dur apprentissage, fait d’intuition et de solitude, qui lui ouvrira plus tard des perspectives insoupçonnées.

Si vous en avez l’envie et l’opportunité, je vous suggère de lire aussi

« Le plus court chemin », le dernier livre d’Antoine Wauters (né à Beco, près de Theux) qui se passe dans nos Ardennes (Pris Rossel 2023).

Ce livre est né d’une question : que se passe-t-il lorsqu’un auteur, qui a beaucoup écrit sur l’enfance, remonte le fil d’argent de sa propre enfance ?

Ce texte est un hommage aux proches et la tentative de revoir, par les mots, le vaste monde d’avant les mots : les êtres, les lieux, les valeurs et les sensations propres à une époque sur le point de disparaître.

Antoine Wauters dit l’amour et le manque. Parce qu’écrire, c’est poursuivre un dialogue avec tout ce qui a cessé d’être visible. Par-delà la nostalgie.

  • Jeudi 24 Octobre

Marie-Hélène Lafon « Histoire du fils » / Prix Renaudot 2020

Le fils, c’est André. La mère, c’est Gabrielle. Le père est inconnu. André est élevé par Hélène, la sœur de Gabrielle, et son mari. Il grandit au milieu de ses cousines. Chaque été, il retrouve Gabrielle qui vient passer ses vacances en famille.

Entre Figeac, dans le Lot, Chanterelle ou Aurillac, dans le Cantal, et Paris, le roman sonde le cœur d’une famille, ses bonheurs ordinaires et ses vertiges les plus profonds, ceux qui creusent des galeries dans les vies, sous les silences.

Cette saga familiale s’étale sur un siècle, de 1908 à 2008.  Marie-Hélène Lafon parvient à y dire tout en seulement 170 pages, avec une densité et une limpidité superbes, tout  en chahutant un peu la linéarité chronologique. C’est une véritable prouesse d’écriture sublimée par une qualité d’écriture rare. L’autrice a une place particulière dans le paysage littéraire français et fidèle à son habitude excelle à parler de la campagne, de la montagne, à jouer avec les odeurs, les parfums.

Si vous en avez l’envie et l’opportunité, je vous suggère de lire aussi un autre roman de l’autrice, quel qu’il soit.

« Les sources » par exemple, son dernier livre, parle de la violence d’un mari dans une ferme isolée du Cantal. On y retrouve tous les thèmes qui occupent Marie-Hélène Lafon depuis ses débuts en littérature : la terre (sa terre, le Cantal), la famille, l’émancipation, la transmission, le silence, le langage des corps, des objets, des paysages, les chemins de vie et les mots qui jaillissent comme une source après avoir été retenus…   (en format poche le 21/8/24)

  • Jeudi 5 Décembre

Brigitte Giraud « Vivre vite » / Prix Goncourt 2022

En un récit tendu qui agit comme un véritable compte à rebours, Brigitte Giraud tente de comprendre ce qui a conduit à l’accident de moto qui a coûté la vie à son mari le 22 juin 1999. Vingt ans après, elle fait pour ainsi dire le tour du propriétaire et sonde une dernière fois les questions restées sans réponse. Hasard, destin, coïncidences ? Elle revient sur ces journées qui s’étaient emballées en une suite de dérèglements imprévisibles jusqu’à produire l’inéluctable. « J’ai été aimantée par cette double mission impossible. Acheter la maison et retrouver les armes cachées. C’était inespéré et je n’ai pas flairé l’engrenage qui allait faire basculer notre existence. Parce que la maison est au cœur de ce qui a provoqué l’accident. » À ce point électrisé par la perspective du déménagement, à ce point pressé de commencer les travaux de rénovation, le couple en avait oublié que vivre était dangereux. Brigitte Giraud mène l’enquête et met en scène la vie de Claude, et la leur, miraculeusement ranimées.

Brigitte Giraud débute son livre avec un prologue annonçant ce qui va suivre. L’autrice y dévoile 21 «Si» dont certains relèvent d’une imagination surprenante prouvant tout son talent d’écrivaine. Avec cette cascade de «Si», une formidable introspection, un terrible retour en arrière, elle tente d’exorciser le terrible drame qu’elle a vécu.

Mais cette évocation d’une catastrophe à venir se révèle étonnamment pleine de vitalité et de douceur. On est touché par la sincérité de l’autrice, par sa simplicité à mettre des mots justes sur l’universalité de la perte et de la reconstruction.

  • Jeudi 6 Mars

Autour de Proust : l’influence émancipatrice que cet auteur peut avoir sur ses lecteurs

Laure Murat « Proust, roman familial » / Prix Médicis essai 2023 (en poche : 4/9/24)

« Toute mon adolescence, j’ai entendu parler des personnages de « À la recherche du temps perdu », persuadée qu’ils étaient des cousins que je n’avais pas encore rencontrés. Car le monde révolu où j’ai grandi était encore celui de Proust, qui avait connu mes arrières-grands-parents, dont les noms figurent dans son roman.

J’ai fini, vers l’âge de vingt ans, par lire la « Recherche ». Et là, ma vie a changé. Proust savait mieux que moi ce que je traversais. Avant même ma rupture avec ma propre famille, il m’offrait une méditation sur l’exil intérieur vécu par celles et ceux qui s’écartent des normes sociales et sexuelles. Proust ne m’a pas seulement décillée sur mon milieu d’origine. Il m’a constituée comme sujet, lectrice active de ma propre vie, en me révélant le pouvoir d’émancipation de la littérature, qui est aussi un pouvoir de consolation et de réconciliation avec la vie. »

Après de multiples études consacrées à Marcel Proust, Laure Murat passe pour la première fois à l’écriture autobiographique, le regard finement critique de «ce petit journaliste», que sa grand-mère plaçait avec condescendance en bout de table, l’amenant à passer au crible sa vie, sa famille et ce «monde de formes vides» qu’est l’aristocratie française. Loin de l’évocation plaintive ou revancharde d’un monde fermé qui l’a exclue, le récit de l’autrice impressionne par l’intelligence et l’acuité de ses analyses. Sa narration est celle d’un choc littéraire, aboutissant à une compréhension de sa propre vie et à une libération. 

Stéphane Carlier « Clara lit Proust »

« Proust. Avant, ce nom mythique était pour elle comme celui de certaines villes – Capri, Saint-Pétersbourg… – où il était entendu qu’elle ne mettrait jamais les pieds. » Clara est coiffeuse dans une petite ville de Saône-et-Loire. Son quotidien, c’est une patronne mélancolique, un copain beau comme un prince de Disney, un chat qui ne se laisse pas caresser. Le temps passe au rythme des histoires du salon et des tubes diffusés par Nostalgie, jusqu’au jour où Clara rencontre l’homme qui va changer sa vie : Marcel Proust. Tendre, ironique et attachant, ce récit d’une émancipation est aussi un formidable hommage au pouvoir des livres.

La lecture de Proust amène une jeune femme simple à voir sa vie et la vie en général sous un autre angle. Elle découvre le pouvoir des livres, le refuge qu’ils apportent, les regards qu’ils ouvrent, les voyages qu’ils offrent. C’est un cadeau quand un livre nous grandit, nous éclaire, nous inspire, nous porte. Stéphane Carlier réussit avec sensibilité et humour à semer de graines de bonne humeur et de résilience à travers cette histoire sympathique et rafraîchissante.

Si vous en avez l’envie et l’opportunité, je vous suggère de lire aussi un livre de Proust et/ou

Alain de Botton « Comment Proust peut changer votre vie »

Avec sa verve, Alain de Botton s’est attaqué à Proust. Il est parti à la chasse aux leçons de vie que l’écrivain pourrait nous donner, aussi bien dans ses romans que dans sa correspondance… Le résultat ? un livre étincelant qui nous convie à une relecture audacieuse et délicieusement érudite de l’œuvre de celui qui passa 14 années de sa vie à écrire « A la recherche du temps perdu ». 9 savoureux petits chapitres où Alain de Botton revisite avec brio son auteur favori.

L’auteur a construit son livre sur 9 thèmes : comment aimer la vie, lire pour soi-même, prendre son temps, réussir ses souffrances, exprimer ses émotions, être un véritable ami, ouvrir les yeux, être heureux en amour, laisser tomber un livre. Chaque sujet est solidement documenté, l’auteur fait des liens, souligne les apparentes contradictions, dégage des pistes d’interprétation mais laisse toujours le lecteur se forger sa propre opinion.

  • Jeudi 3 Avril

Jean-Baptiste Andrea « Veiller sur elle » / Prix Goncourt 2023 / Prix Fnac  Roman 2023 / Grand Prix des lectrices de Elle Roman 2024

Au grand jeu du destin, Mimo a tiré les mauvaises cartes. Né pauvre et nain, il est confié en apprentissage à un sculpteur de pierre alcoolique et sans envergure. Mais il a du génie entre les mains.

Toutes les fées ou presque se sont penchées sur Viola Orsini. Héritière d’une famille prestigieuse, elle a passé son enfance à l’ombre d’un palais génois. Mais elle a trop d’ambition pour se résigner à la place qu’on lui assigne.

Ces deux-là n’auraient jamais dû se rencontrer. Au premier regard, ils se reconnaissent et se jurent de ne jamais se quitter. Viola et Mimo ne peuvent ni vivre ensemble, ni rester longtemps loin de l’autre. Liés par une attraction indéfectible, ils traversent des années de fureur quand l’Italie bascule dans le fascisme. Mimo prend sa revanche sur le sort, mais à quoi bon la gloire s’il doit perdre Viola ?

Un roman plein de fougue et d’éclats, follement romanesque, habité par la grâce et la beauté. On y passe du rire aux larmes.

Les personnages résonnent en nous d’autant plus fort que l’intensité dramaturgique du récit, constante, est renforcée par des décors italiens admirablement décrits (des enchanteresses collines à orangers du domaine des Orsini, aux bas-fonds de Florence et Rome) et un arrière-plan historique, jamais écrasant mais toujours présent, qui traverse le chaos de la première moitié du XXème siècle (Première guerre mondiale, montée du fascisme et mise en place du régime totalitaire mussolinien, Deuxième guerre mondiale et défaite italienne). C’est encore un voyage dans l’histoire de l’art italien avec des références à Michel-AngeFra Angelico ou encore le Caravage.

  • Jeudi 8 Mai

Vanessa Springora « Le Consentement »

Au milieu des années 80, élevée par une mère divorcée, V. comble par la lecture le vide laissé par un père aux abonnés absents. A treize ans, dans un dîner, elle rencontre G., un écrivain dont elle ignore la réputation sulfureuse. Dès le premier regard, elle est happée par le charisme de cet homme de cinquante ans aux faux airs de bonze, par ses œillades énamourées et l’attention qu’il lui porte.

Plus tard, elle reçoit une lettre où il lui déclare son besoin « impérieux » de la revoir.

Omniprésent, passionné, G. parvient à la rassurer : il l’aime et ne lui fera aucun mal. Alors qu’elle vient d’avoir quatorze ans, V. s’offre à lui corps et âme. Les menaces de la brigade des mineurs renforcent cette idylle dangereusement romanesque.

Mais la désillusion est terrible quand V. comprend que G. collectionne depuis toujours les amours avec des adolescentes, et pratique le tourisme sexuel dans des pays où les mineurs sont vulnérables.

Derrière les apparences flatteuses de l’homme de lettres, se cache un prédateur, couvert par une partie du milieu littéraire. V. tente de s’arracher à l’emprise qu’il exerce sur elle, tandis qu’il s’apprête à raconter leur histoire dans un roman. Après leur rupture, le calvaire continue, car l’écrivain ne cesse de réactiver la souffrance de V. à coup de publications et de harcèlement.

Plus de 30 ans après les faits, Vanessa Springora livre ce texte fulgurant, d’une sidérante lucidité, écrit dans une langue remarquable. Elle y dépeint un processus de manipulation psychique implacable et l’ambiguïté effrayante dans laquelle est placée la victime consentante, amoureuse.

Mais au-delà de son histoire individuelle, elle questionne aussi les dérives d’une époque, et la complaisance d’un milieu aveuglé par le talent et la célébrité.

+ Film éponyme

de Vanessa Filho avec Jean-Paul RouveKim HigelinLaetitia Casta

Paris, 1985. Vanessa a 13 ans lorsqu’elle rencontre Gabriel Matzneff, écrivain quinquagénaire de renom. La jeune adolescente devient l’amante et la muse de cet homme célébré par le monde culturel et politique. Se perdant dans la relation, elle subit de plus en plus violemment l’emprise destructrice que ce prédateur exerce sur elle.

Nominations aux Césars 2024 : Révélation féminine pour Kim Higelin et Meilleure adaptation pour Vanessa FilhoVanessa Springora et François Pirot.

  • 5 Juin

Bilan de l’année et saison à venir

Dominique Quetin

Informations

Prochaines dates

  • 3 octobre 2024 (14:00 - 16:00)
  • 24 octobre 2024 (14:00 - 16:00)
  • 5 décembre 2024 (14:00 - 16:00)
  • 6 mars 2025 (14:00 - 16:00)
  • 3 avril 2025 (14:00 - 16:00)
  • 8 mai 2025 (13:00 - 17:00)
  • 5 juin 2025 (13:00 - 16:00)

Lieu

Rue de Pitteurs, 8 à 4020 Liège

Prix

60 € pour le cycle de sept séances
Inscription nécessaire.
Par téléphone au 04/222.45.86 ou via le formulaire en ligne

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