Retour sur : Facture énergétique, où allons-nous ?
Retour sur nos dernières activités…
#2 « Facture énergétique, où allons-nous ? », le 23/06/2022
Au printemps dernier, nous avons interrogé notre public pour mieux connaître ses préoccupations et voir quelles activités pourraient y apporter un début de réponse. Un des sujets mis sur la table était l’augmentation du prix de l’énergie. Sur cette base, nous avons conçu la rencontre débat « Facture énergétique : où allons-nous ? », le 23 juin dernier.
Nous avons choisi d’inviter Philippe Defeyt, économiste bien connu et ancien président de CPAS. Observateur attentif et nuancé, Philippe Defeyt nous a semblé la bonne personne pour contextualiser et creuser le sujet. Avec lui, en présence d’une trentaine de personnes, nous avons cherché à analyser de manière critique la situation énergétique et ses conséquences.
La conférence
Lors de son intervention, Ph. Defeyt a notamment souligné les éléments suivants. Pour lui :
– Nous avons pris l’habitude de disposer d’une énergie à bon marché. Nous avons perdu de vue qu’en 1946, à la sortie de la guerre, l’électricité coûtait 5 fois plus cher qu’aujourd’hui !
– Pendant des décennies, nous avons été collectivement endormis et collectivement consentants voire complaisants en adoptant une façon de vivre et de faire société fondée essentiellement sur la consommation.
– Aujourd’hui, nous devons prendre conscience que sommes à la fin de cette époque : notre modèle de société de consommation a utilisé toutes les ficelles possibles pour durer (colonialisme, mondialisation, agriculture industrielle, énergie à bas prix, surexploitation, non-investissement, …), mais ce modèle est désormais dans l’impasse.
– Malgré cela, les envies (de consommer) continuent d’augmenter… et elles augmentent plus vite que les revenus. Cela crée une tension croissante.
– Changer de modèle est difficile car nos sociétés sont de plus en plus éclatées, avec des situations individuelles très variées et des points de vue très différents : l’inflation que nous allons connaître va accentuer cet éclatement et le rendre ingérable par les autorités.
– Même en tant que citoyens, il est très difficile d’aller vers une prise de conscience et une mobilisation collectives. En effet, les situations des uns et des autres sont très différentes : chacun ne se reconnaît pas forcément dans les priorités des autres.
– Ces différences ne sont pas seulement des différences de revenus. Parfois, deux ménages ayant un revenu égal vivent des réalités opposées, par exemple en fonction de leur logement, leur mode de chauffage, leurs moyens de déplacement, leur endettement, …
– Face à cet éclatement, nos États et nos administrations sont mal préparés. En particulier, ils ne sont pas outillés pour intervenir de manière différenciée et ciblée face aux besoins : de ce fait, les mesures prises (aide, soutien, indexations,…) sont souvent rigides, inadaptées, insuffisantes ou maladroites. Parfois même, elles creusent les inégalités.
– Philippe De Feyt plaide pour de nouveaux outils de soutien aux besoins rencontrés. Il lui semble notamment urgent d’adapter les dispositifs existants (indexation) ou d’en créer de nouveaux (crédit d’impôt), pour soutenir les populations précarisées mais aussi la « classe moyenne inférieure », particulièrement impactée dans le contexte actuel.
Le débat
Après cette intervention, le débat a été dense et animé. De nombreuses questions ou remarques ont apporté des éléments de compréhension supplémentaires. Plusieurs points de vue contradictoires se sont exprimés, parfois vivement. Chacun a pu être entendu. La durée des échanges a facilité une prise de parole relativement équilibrée entre les participants.
Au cours du débat, les points suivants ont notamment émergé :
– Quand on parle d’inflation et d’indexation, on perd souvent de vue une série d’éléments problématiques (par exemple : l’indexation se calcule sur base d’éléments incomplets et périmés, le fameux « panier de la ménagère » ; l’indexation des salaires a lieu sans indexation des barêmes fiscaux, donc le salaire net augmente moins que le salaire brut).
– Quand on veut comprendre sa facture et ses dépenses énergétiques, il y a de très nombreux détails à examiner : c’est difficile car ça demande une grande attention et des connaissances techniques particulières (exemple : détails contractuels, coûts multiples…)
– Désigner les responsables de la situation où nous sommes n’est pas simple : certains pointent les autorités politiques, d’autres les entreprises, d’autres nous tous en tant que citoyens endormis et complaisants.
– Certains pensent qu’il n’y a plus aucun espoir de changer de trajectoire et que nous allons vers des catastrophes ; d’autres défendent le poids d’actions individuelles (mobilité douce, achats raisonnés, …) ; d’autres encore parient sur un sursaut collectif.
– Certains désespèrent de l’espèce humaine (« les gens sont bêtes »), d’autres soulignent que le problème vient des conditions et des situations de vie (« les gens sont aliénés »).
– Ph. Defeyt souligne l’importance de retrouver le sens du collectif, en s’appuyant sur des choses qui existent : les « corps intermédiaires » (syndicats, mutuelles) ; l’éducation permanente. L’un des enjeux est de dégager du temps pour cela.
Et pour la suite ?
En fin de soirée, les prolongements suivants ont été proposés par Ph. Defeyt et par le public :
– Recueillir et lister les problèmes et les dysfonctionnements subis par chacun dans ses tentatives de gérer sa facture énergétique (difficultés d’accès, complexité, abus…)
– Dégager des pistes de solutions, pour dépasser le sentiment d’impuissance. Entre autres, partager des outils et des astuces pour réduire sa consommation, comparer les contrats, …
– Faciliter des ateliers par petits groupes, pour dégager des actions à mettre en pratique de manière collective, par exemple à l’échelle d’un comité de quartier
– Faire des liens entre cette problématique et les initiatives de Transition écologique.